"Quand vous serez bien vieille,...", Ronsard, sonnets pour Hélène, II, XLIII

Ronsard a cinquante-quatre ans lorsque la reine Marie de Médicis lui confie la mission de consoler une de ses suivantes, Hélène de Surgères, affectée par la mort de son fiance, Jacques de La Rivière.

Le sonnet XLIII di livre II est sans doute l'un des plus célèbres pour sa moralité épicurienne. Il s'agit d'un sonnet marotique en alexandrins, avec deux quatrains à rimes embrassées et un sizain prsenté sous la forme typographique de deux tercets : un distique à rimes suivies plus un quatrain à rimes embrassées. Les rimes féminines alternent avec les rimes masculines. Le premier quatrainprmier présente Hélène vieile et le second réfère à la gloire de Ronsard. Le premier tercet présente Ronsard dans l'au-delà et le second est une injonction épicurienne.Ainsi le sonnet a-t-il un aspect agumentatif : il s'agit de convaincre Hélène se s'adonner à l'amour.

L'évocation de la vieillesse d'Hélène est propre à l'impressionner par le declassement physique et social qu'elle suggère.

Dès le premier vers, vieille mis en valeur par l'accent d'hémistiche (dit aussi "accent poétique"). Il est renforcé par l'adverbe d'intensité bien qui sigifie ici "très". L'insistance est renforcée par la mention du soir : Quand vous serez bien vieille, au soir. Par métaphore, le soir (de la vie) évoque la vieilless. Enfin, vers 11, Vous serez au foyer une vieille accroupie, l'utilisation du subtsantif marque une aggravation : la vieillesse n'est plus une "propriété" mais la substance même d'Hélène. La double mention du feu : Assise auprès du feu (v.2), au foyer (v.11), peut faire allusion à la frilosité des vieillards. Assise est repris et précisé par accroupie, c'est-à-dire assise sur les talons. Cette posture la tasse davantage et le terme est quelque peu trivial avec la mention de la croupe qu'il comporte. Qui plus est, se relever de cette position quand on a des rhumatismes et d'un inconfort certain.

Cette posture illustre-t-elle aussi le déclassement social : Hélène n'a pas de siège... Ce déclassemnet était perceptible dès le premier vers, où la chandelle éclaire la scène alors que l'on use de la bougie à la Cour (à base de cire d'abeille). La chandelle, à base de suif (graisse animale) avait une odeur et dégageait de la suie. Le vers 2 évoque aussi le déclassement : dévidant et filant sont deux activités qui relèvent du travail de la laine brute alors que les jeunes filles de la Cour pratiquaint broderie et tapisserie.

Par contraste avec cette évocation du déclassement, la gloire du poète rejaillit sur Hélène : Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle (v.4). Le verbe "célébrer" a ici double sens : rendre hommage mais aussi rendre célèbre. La réaction de la servante (n'importe laquelle) : bénissant votre nom de louange immortelle, marque bien la célébrité acquise par Hélène (votre nom) pour l'éternité : louange immortelle. Hélène s'émerveillera (v.3), et le seul nom de Ronsard (au bruit de Ronsard) réveillera la servante sous le labeur à demi-sommeillant (v.6). Immortel sur la terre et connu m^me des servante, Ronsard gôute la félécité dans l'au-delà. Je serai sous la terre paraît euphémique par rapport à "je serai sous terre", car sous la terre évoque le royaume des morts de l'antiquité au moins égal à celui de la terre. Euphémique encore la formulation je prendrai mon repos (v. 10). S'il s'agit bien du repos éternel, la formulation est active et évoque un choix, voir un repos bien mérité. Le lieu aussi présente de l'agrément : les ombres myrteux. Dans la mythologie grecque les amoureux bienheureux séjournaient dans un bois de myrtes aux Champs-Elyséens.

Notons que myrteux, à l'accent d'hémistiche est un néologisme. Fantôme sans os contribue à évoquer une situation enviable : plus de douleur physique ni de rhumatismes (en contraste avec la vieille accroupie).

Ainsi le contraste entre les deux situations, et l'autorité de Ronsard premettent de formuler l'injontion des deux derniers vers. L'autorité de Ronsard tient à l'âge : à cinquantre-quatre ans il connait la vieillesse dont il parle à Hélène, sa culture s'ajoute à son exprérience, at poète de la Cour et aumônier, il est habilité à conseiller Hélène. C'est pourquoi il peut mentionner le futur d'Hélène sans risquer d'être contredit. Il est d'autant plus crédible dans les deux derniers vers : Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain ; / Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. Maait lgré l'incise "si m'en croyez", c'est l'impératif, mode de l'injonction, qui domine : Ronsard se fait pressant en amplifiant le rythme (2-6-12) Les deux vers établissent une analogie entre "vivre" et "cueillir dès aujourd'huiles roses de la vie". "Dès aujourd'hui" rappelle le carpe diem de l'Antiquité (saisis le jour qui passe) et "les roses de la vie" sont probablement l'amour et la jeunesse comme souvent chez Ronsard :

Donc, si vous me croyez, mignonne,

Tandis que vôtre âge fleuronne

En sa plus verte nouveauté,

Cueillez, cueillez votre jeunesse :

Comme à cette fleur, la vieillesse

Fera ternir votre beauté.

" Odes ", I, 17