pistes pour examiner le portait de Goriot par le duchesse de Langeais

L’examen d’un texte peut commencer par répondre aux questions rhétoriques recensées depuis l’antiquité grecque : qui parle, à qui, de quoi, dans quelles circonstances (à quelle occasion), comment, pourquoi et pour quoi (dans quel but).

Cet extrait permet de se livrer à un tel exercice pour mieux en appréhender les enjeux et la signification.

1. Qui parle et à qui ?

La duchesse de Langeais rend visite à la vicomtesse de Beauséant, son amie. Eugène de Rastignac se trouve chez la vicomtesse, lointaine cousine dont il espère qu’elle l’aidera à s’introduire dans “le monde” (à l’aider à constituer son carnet d’adresses dirait-on actuellement). La duchesse de Langeais (vu son titre) est une personne haut placée socialement et qui entretient des relations avec le premier cercle de la cour de la Restauration.

Son “amitié” pour la vicomtesse de Beauséant s’agrémente d’une attention perfide à la relation sentimentale de cette dernière avec le marquis d’Ajuda, son amant. La duchesse vient pour insinuer que le marquis trompe la vicomtesse en ayant en vue un mariage avec une riche héritière.

Donc le propos sur le père Goriot est marginal apparemment, mais il devient un propos sur l’ingratitude, adressé à la vicomtesse de Beauséant (par rapport au marquis d’Ajuda), alors qu’Eugène de Rastignac le prend pour un portrait du père Goriot.

2. De quoi ?

Dans cet extrait, la duchesse de Langeais fait apparemment le portait de Goriot, sous la forme d’un récit explicatif. Elle condense la vie de Goriot et commente en même temps, pour arriver à la fin à une “moralité”.  Mais il s’agit d’un récit très subjectif, dans lequel le mépris de la duchesse éclate. Donc elle parle aussi d’elle-même, à travers son récit.

Enfin, sa peinture de l’ingratitude des filles du père Goriot est comprise par la vicomtesse de Beauséant comme une métaphore de sa relation avec le marquis d’Ajuda, ce que ne saisit pas sur le champ Eugène de Rastignac.

3. Les circonstances.

Ce portait du père Goriot apparaît dans un conversation initiée par Eugène de Rastignac, ici béotien, car il a tout à apprendre des mondanités et de la société dans laquelle il veut s’introduire. D’ailleurs, après le départ de la duchesse de Langeais, piquée par son intervention, la vicomtesse de Beauséant proposera son aide à Eugène de Rastignac, avec des conseils sur la conduite en société que ne désavouerait pas Vautrin.

4. Pourquoi et pour quoi ?

La cause de ce portrait est apparemment initiée par le propos laudateur sur le père Goriot de la part d’Eugène de Rastignac. Une seconde cause se trouve dans l’avertissement de la duchesse à la vicomtesse sur l’ingratitude.

Le but semble le suivant. Au niveau interne (pour l’intrigue), Eugène de Rastignac sera “déniaisé”, même s’il résiste encore ; et la vicomtesse de Beauséant décide de le soutenir dans ses ambitions. Au niveau “externe”, le lecteur voit aussi un personnage qui tient le discours de la Restauration de façon presque caricaturale (annonçant Charles X).

Enfin, l’on remarquera que dans le dialogue romanesque s’insère un récit-portrait.